À Kalokairi, on pouvait apercevoir des artistes un peu partout. Ils étaient danseurs, écrivains, peintres, il leur arrivait même de chanter. Certains peignaient sur la plage, d'autres dansaient à la place des spectacles. Ces derniers étaient particulièrement admirés. Ma mère m'a toujours dis que chacun d'entre nous avait un artiste caché dans ses entrailles. Si bien que, depuis, je scrute les environs pour voir les artistes tapis dans l'ombre. L'endroit où ils se cachaient le plus souvent était en fait l'endroit le plus couru de la petite île grecque ; ils étaient à la place du marché. Coincé entre deux kiosques de fruits, un petit chevalet de bois où trônait une peinture à l'huile. Je le savais! Quoi de mieux qu'un peintre pour en dénicher un autre? Venir au marché était une partie de plaisir. J'adorais discuter avec les commerçants qui, au fil des années, me connaissaient plutôt bien. Margaret, la femme qui vendait des oranges, était d'origine mexicaine. Comment s'était-elle retrouvée en Grèce? Nul ne le sait, c'est son petit secret. C'était sa touche mystérieuse, comme elle le disait si bien.

Après quelques courses, j'avais les bras chargés de sacs en tout genre. Je songeai à regagner tranquillement la maison. Je devrais me traîner un chariot à l'avenir. Ne sachant pas trop où j'allais, j'essayais de m'étirer le cou pour voir devant moi. Maladroite comme je suis, j'heurtai un homme de plein fouet et tout mes sacs tombèrent à nos pieds. Mais quelle honte! « Je suis tellement désolée! Mille fois pardon. » m'exclamais-je en réalisant ma gaffe. Mes bananes semblaient presque être en purée, ce qui exprimait à quel point je l'avais heurté fort. « Mais quelle gourde je fais! » Je songeai à ses beaux pantalons et sa chemise trempés de jus de kiwi. Mes joues virèrent au cramoisie