Le soleil se niche sous les draps de l’océan, se cache derrière l’horizon comme s’il avait peur de la lune. Hero a toujours pensé que la lune et le soleil étaient des amants interdits, comme s’ils avaient eu une histoire d’amour secrète et que depuis la fin de celle-ci, le soleil fuyait la lune et celle-ci faisait pareil lorsque le soleil se levait. Destinés à se fuir et ne pas se rencontrer à nouveau, plongeant le monde dans une admiration totale lorsqu’ils ne faisaient plus qu’un lors d’éclipses. C’est pour cette raison qu’il n’a jamais choisi son camp, le garçon. Il a choisi les étoiles, parce qu’on pouvait dire que le soleil et la lune étaient en bons termes avec celle-ci. Sans parler du fait que le soleil est une étoile, les étoiles côtoient et entourent la lune chaque nuits. Elles n’ont aucun camp, restant proche de l’autre grosse étoile et du satellite. Et c’est là qu’il a trouvé sa place, Hero, entre les deux camps, souriant au soleil à sa venue et caressant la lune de ses doigts lorsqu’elle pleurait et que les étoiles venaient la consoler.

Il apprécie le paysage, avec ce ciel orangé et les reflets de la défunte étoile sur l’océan. La beauté de ce tableau aveuglerait presque le garçon, lui et ses prunelles bleus qui n’en ont jamais assez de ce paysage commun, banal. Jamais rassasié, toujours faim de beauté et de douceur, les couleurs changent chaque jours. Hier, le ciel portait une couleur rosâtre, aujourd’hui, elle était aussi chaude qu’un feu de bois.

Hero tourne sa tête lorsque des pas se font entendre sur le quais humide, les vagues se sont amusées à tout éclabousser lorsqu’elles se sont écrasées sur les pierres. Plus tôt, il avait même observé ce spectacle là, mais lorsque les vagues sont parties se reposer pour la journée, il est parti se réfugier au bout du bateau, là où il avait pleine vue sur l’horizon et la fuite du soleil. Il se lève alors, laisse son calepin à la place où il était assis et par à l’arrière du bateau, près du quais. Il connaît bien cette silhouette, l’a croisé plusieurs fois, c’est Claude. Il sourit et sans retenue, le garçon crie en agitant les bras, chemise trop large, les manches retroussées pour laisser apercevoir sa peau bronzée grâce aux heures en mer. "CLAUDE ! Rejois-moi !" Il lui fait signe de se rapprocher, de venir. "J’ai une vue fantastique sur le couché de soleil. C’en est presque éblouissant."

Fixer le trop lointain. Ce ciel teinté de rouge et d’orange alors que le soleil s’efface peu à peu à l’horizon. Si peu de temps que tu es ici. Et tu t’imagines y rester pour la vie. Ne te lassant pas de cet endroit à l’air chargé d’iode et au ciel chargé d’histoire. Les unes plus féeriques que les autres. Cet endroit t’inspire. Et c’est pour ça que tes pas sonnent mate le long de la plage puis du port, bois humide sous leurs plantes. Tu as cet air non-chaland et reposé dont tu ne soupçonnais plus l’existence. Depuis combien de temps, Claude, ne t’aies-tu pas senti aussi libre ?

Soupire et frisson le long des bras lorsque le vent vient frôler le léger pull col en V que tu portes. Pantalon en lin le long de tes jambes. Tu es si à l’aise. Oublié le costume dans le placard. Même s'ils coûtent aussi chers que tout le reste, ces vêtements. Pourtant, c’est bien quelque chose dont tu fiches. Surtout ici, surtout quand tu n’es pas à ton poste. Ce poste duquel tu veux justes t’échapper. Et c’est sûrement pour ça que tu es là, Claude, un calepin entre tes doigts. À chercher, peut-être un endroit où te poser. Un endroit où croquer.

Et tu ne t’attendais pas à le voir lui. Ni à l’entendre t’appeler au loin. Silhouette éblouissante debout sur le bateau. Hero. Hero dont la beauté t’a tout de suite frappé. Lui et sa jeunesse. Lui et son visage aux allures de statues grecques, aussi carré et acéré qu’un couteau. Beau. Tu souris. T’approches. Parce que Hero, il te fait frémir le bout des doigts. Il t’inspire. Bien plus que tout cela. Alors, tu n’hésites pas. Lui fait signe. Pour lui dire que tu arrives. Parce que non, tu ne crieras pas. Non. Et ta main attrape l’échelle. Et tes doigts sentent l’humidité ambiante dont regorge le bateau. C’est la première fois que tu y grimpes. « Bonsoir, Hero. » Souffle léger qui glisse d’entre tes lèvres alors que tu es à ses côtés. « Vraiment ? Il faut que tu me montres ça alors. » Un sourire, un regard. Qui le fige, le fixe, là, au plus profond de ta rétine. Tu veux le croquer, le peindre. Tu veux… Doigts tremblant, ils glissent dans le milieu de son dos. Accompagne-moi qu’ils disent. Alors que tes pas se synchronisent aux siens. Pour aller le découvrir, ce soleil couchant.

Et il a raison. C’est magnifique.

Ta main glisse hors de son dos, retombe le long de ton corps. Tu es bouche bée. « Magnifique. » Et ton regard qui le capte à nouveau. Et les couleurs de la nuit éclaboussant sa peau bronzée. Tu as envie de le toucher, le croquer. Mais, tu restes juste là, à le dévorer des yeux. Se rend-il compte, Hero ? « Est-ce que je peux dessiner ? »

Il aime partager ce beau paysage, du moins, il aime essayer. Il pense qu’une telle beauté ne devrait être cachée, mais affichée pour aveugler les amants terriens. Même si le ciel couvre chaque êtres sur cette terre, certains ne profitent pas du spectacle et s’en cachent. De son bateau, Hero a une vue sur tout l’horizon, sur chaque petits détails, ainsi que sur les mouvements de l’océan. D’après lui, un bateau est le meilleur endroit pour observer le coucher du soleil, car celui-ci entrain en collision avec l’océan et offrait différentes histoires à ceux qui désiraient les écouter. Bien que la solitude ne l’effraie pas, il ne refusera jamais de compagnie et ne privera jamais personne de ce spectacle donné par les dieux. Hero observe l’homme monter sur son bateau, sourire aux lèvres en se disant que quelqu’un d’autre vienne découvrir son bateau, à nouveau, face à un soleil couchant. Claude ne le sait pas encore, mais c’est sûrement un des meilleurs moments pour monter sur le bateau des Petri. Quand le silence règne, que les vagues commencent à se calmer et que le soleil les berce. La première fois que le garçon a assisté à ce spectacle, il est resté assis et n’a même pas fait attention qu’il était assis sur une flaque d’eau salée, donnée par l’océan. Il a observé ce beau tableau et l’a dessiné, mais son dessin n’a jamais été aussi beau que ce vrai cadeaux des dieux. Ça a toujours été son but, atteindre la beauté des couleurs orangés ou rosâtres, atteindre la beauté des étoiles lors de leurs arrivées ou encore l’histoire d’amour entre le soleil et la lune. C’est la beauté qu’il tente de toucher, et c’est en les voyant chaque soirs qu’il ne perd pas espoir. L’homme et son aisance qui arrive à apaiser Hero, bien qu’il ne le soit déjà beaucoup. C’est comme si Claude soufflait des mots vanillés, doux comme les nuages, et que ses pas alliaient parfaitement les aller-retours du vent. Peut-être Claude était-il un ange qui flottait dans les airs de Kalokairi, peut-être n’était-il qu’un étranger à l’identité encore trop secrète qui envoûtait le grec. "Je suis content que ça te plaise." Il sourit, fixant l’horizon, satisfait.  "Je t’en prie." Il sait que Claude dessine, et il a toujours désiré observer l’homme en action. "C’est le tableau parfait, n’est-ce pas ? Les mouettes ne devraient pas tarder." Parce qu’elles sont toujours prêtes à virevolter dans les airs pour se mettre en valeurs, quittant leurs poteaux boisés et humides pour danser devant les bateaux.

Dessiner. Le dessiner. Tu souris. Tu n’aies pas sûr qu’Hero se doute. Que tu souhaites plus le dessiner lui, plutôt que le paysage qui s’étend sous vos yeux. Hero, bien plus beau que n’importe quel couché de soleil. Bien plus sublime que l’oranger qui floute le ciel pour y laisser entrevoir les premières étoiles. Non, tu n’aies pas sûr. Du tout. Mais, il veut bien alors, tu te laisses tomber là, à même le sol. Parce que tu t’en fiches. Parce que tu es avec Hero, et que tout est un peu différent avec lui. Vraiment. « Oui, sûrement. » Que tu lui réponds alors que tu fixes le ciel, peut-être à la recherche de ces fameuses mouettes. Peut-être à la recherche de l’inspiration. Un crayon déjà entre tes doigts et le carnet ouvert sur une page vierge.

Te perdre quelques secondes dans les songes. Penser et oublier, un peu. Avant de revenir, sourire sur tes lèvres, regards plus acérés que jamais. Que tu poses là, sur sa silhouette à lui, couché de soleil dans son dos. Hero. Sait-il ? « Tu es très beau. » Parce que finalement, peut-être ne faut-il pas prendre de gants ? Ne pas tourner autour trop longtemps ? T’en sais tellement rien. T’as juste les doigts qui fourmillent et le sang qui brûle, d’impatience, d’un quelque chose d’autre. Peut-être.

Le dévorer, vouloir le croquer.

Baisser les yeux et tracer le premier trait de l’horizon que tu vois parfaitement de cet endroit du bateau. Paysage enchanteur, enchanté. Tu commences doucement à gribouiller. Pour ne pas oser le dessiner lui. Peut-être, Claude, devrais-tu simplement lui demander ?